Fête nationale : le discours du Col Doumbouya fait interroger sur la suite de la transition politique

Article : Fête nationale : le discours du Col Doumbouya fait interroger sur la suite de la transition politique
Crédit: DCI/Présidence de la République
2 octobre 2023

Fête nationale : le discours du Col Doumbouya fait interroger sur la suite de la transition politique

La Guinée célèbre ce 2 octobre 2023, l’an 65 de son accession à la souveraineté nationale. A cette occasion, le Col Mamadi Doumbouya qui est à sa troisième célébration à la tête du pays, s’est adressé à la Nation. Comme aux Nations-Unies le 21 septembre dernier, il n’a pas abordé la mise en œuvre du chronogramme de la transition.

C’est devant l’imposant monument de la liberté illuminé aux couleurs nationales – rouge, jaune et vert – qui se dresse devant le Palais du peuple à Conakry que le président de la transition, s’est adressé à la Nation. Après son grand oral à la tribune des Nations-Unies où il a proclamé l’échec du modèle démocratique occidental en Afrique sans jamais évoquer l’évolution de la transition en Guinée, ce discours était très attendu.

Le chef de l’État guinéen, Mamadi Doumbouya, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le 21 septembre 2023. AFP – TIMOTHY A. CLARY

Le social et l’économie, les deux premières priorités de la transition

Après avoir salué la mémoire des compagnons de l’indépendance pour les sacrifices consentis, le chef de l’Etat a rappelé qu’à sa prise du pouvoir le 5 septembre 2021, le tissu social était fissuré. D’où le choix du thème de la célébration du 65ème anniversaire de l’indépendance nationale : « S’inspirer du passé pour construire le futur ensemble ». Pour lui, ce thème permettra d’atteindre « dans un ordre très précis » les trois priorités de la transition à savoir le social, l’économique et le politique.

Concernant le social, « l’état de fragilité sociétale de notre chère Patrie était tel que nous avions trouvé une société complètement gangrenée par le communautarisme et le tribalisme, une cohésion nationale inexistante », a-t-il rappelé.

« Le premier devoir que nous avions alors été de panser ces plaies et permettre aux Guinéens de se retrouver enfin pour construire un avenir radieux pour nous et pour les futures générations », a poursuivi le président de la transition qui a initié les assises nationales en 2022. Le rapport final de ces consultations lui a été remis en août 2022 en présence du médiateur de la CEDEAO, Yayi Boni. Mais plus d’un an après, l’opinion publique n’a aucune visibilité, ni de lisibilité sur la mise en œuvre des 45 recommandations de ces assises.

Sur la situation économique, « nous sommes déterminés à lutter contre la corruption et à promouvoir la transparence dans la gestion des ressources publiques. Nous travaillons également à diversifier notre économie pour réduire notre dépendance. La transformation des produits locaux est un axe clé de notre processus de développement irréversible », a soutenu Mamadi Doumbouya.

Au regard du Guinéen ordinaire, le régime militaire fait mieux sur le plan économique et des infrastructures.

Col Doumbouya n’aborde pas le retour à l’ordre constitutionnel

Fête de l’indépendance : le Colonel Mamadi DOUMBOUYA tend une main ferme et fraternelle. Libreopinionguinee.com

La transition est essentiellement politique. Mais dans les discours du Col Mamadi Doumbouya, l’évolution de la transition pour le retour des civils au pouvoir est de plus en plus évitée. Des acteurs politiques et de la société civile ont critiqué la non-évocation du processus de transition dans son discours tenu aux Nations-Unies, le 21 septembre 2023. En réponse, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Guinéens établis à l’étranger, Dr Morissanda Kouyaté a affirmé sur une radio locale que ce discours ne s’adressait pas aux Guinéens mais au monde.

À propos de ses deux premières priorités, il a indiqué que des défis restent à relever pour « atteindre les objectifs de bonne gouvernance, afin de bâtir une Guinée unie, prospère, pacifique, où chaque citoyen, quelle que soit son origine ethnique, religieuse ou politique, a sa place et ses droits respectés ».

Il n’a pourtant rien dit sur le processus de retour à l’ordre constitutionnel. Le pays est en crise politique. Le dialogue lancé par la junte est boycotté par les principales alliances politiques conduites par l’ancien parti au pouvoir d’Alpha Condé, l’Union des forces démocratiques de Guinée de Cellou Dalein Diallo et l’Union des forces républicaines de Sidya Touré. Ces leaders politiques en exil réclament un cadre de dialogue inclusif sous l’égide de la CEDEAO.

L’autre question qui se pose en ce moment est la mobilisation des 6 mille milliards de francs guinéens (environ 650 millions EUR) destinés au financement des 10 points du chronogramme. Pour le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Mory Condé, « la CEDEAO s’est engagée à mobiliser tous les partenaires pour l’accompagnement et la mise en œuvre du chronogramme, dans un délai de 24 mois ».

L’adresse à la Nation de ce 1er octobre 2023 du Col Mamadi Doumbouya à l’occasion de la fête de l’indépendance nationale, ne convaincra sûrement pas certains acteurs sociopolitiques qui le soupçonnent de vouloir confisquer le pouvoir.

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